Les foils révolutionnent les performances des géants de la voile dans cette édition Route du Rhum 2022

Deux dates à retenir : le 21 mai 1927, Charles Lindbergh traverse l’Atlantique à bord de son avion « Spirit of St. Louis » en 33 heures. En 2018, Charles Caudrelier survole également le même océan en 6 jours et 19 heures à bord de son voilier « Maxi Edmond de Rothschild ». La comparaison peut faire sourire, mais c’est bel et bien plus un survol qu’une navigation traditionnelle qui s’opère désormais pour certains bateaux lors d’une course au large tel que la Route du Rhum. Depuis quelques années maintenant, l’apport en performances que représentent les foils permet de réduire considérablement les durées des épreuves. Petit focus sur cette technologie appliquée, entre autres, à la classe Ultim des bateaux au départ de la Route du Rhum édition 2022 - Destination Guadeloupe.

Des progrès issus de l’aéronautique

De l’aile d’un avion au foil d’un trimaran Ultim de la Route du Rhum il n’y a pas tant de différences. Le principe reste simple : une aile, dont le dessus (appelé extrados) est bombé et le dessous (l'intrados) est plat, perturbe les flux d’air qui viennent s’y précipiter par l’avant de l’aile (appelé le bord d’attaque). Cette perturbation asymétrique crée une « aspiration » du côté bombé. Par conséquent, si un avion vole, c'est parce que ses ailes sont aspirées par le haut. Contrairement à ce que l'on pense, il ne pose pas sur l’air. Il suffit d’imaginer désormais que l’on fixe une aile possédant le même profil sous un bateau et que ce dernier avance sur l’eau. L’eau réagit comme l’air sur l’aile, qui est alors aspirée vers le haut soulevant ainsi le bateau hors de l’eau tout en réduisant ainsi sa traînée de manière importante, ce qui permet au bateau d’aller beaucoup plus vite.

Des performances exigeantes et une marche en avant des progrès

L’arrivée des foils sur les bateaux de course a connu des débuts timides. En 1976, Éric Tabarly expérimente un premier prototype en face de La Rochelle. Convaincu de l’avenir de ce principe, il entame des réflexions et travaux sur les bateaux volants et notamment sur le projet de l’hydroptère ou de son trimaran « Paul Ricard ». De nombreux bateaux multicoques ont été équipés de foils et le record de vitesse sur l’eau a été établi en 2012 par le « Sailrocket 2 » avec une vitesse enregistrée à 121 km/h. Dans la course au large, l’édition 2016 du Vendée Globe voit apparaître des monocoques Imoca avec foils. Malgré des performances qui n’ont pas été flagrantes, une prise de conscience concernant le potentiel offert par cette technologie s’est effectuée à ce moment-là. Il restait à la performer. Lors du départ de la course au large qu’est la Route du Rhum 2022, 5 Ultims volants se sont lancés dans cette aventure mêlant le sport à la technologie pour réussir le pari d’améliorer le record de traversée (3 543 milles en 7 jours et 14 heures par Francis Joyon en 2018).

Pas moins de 3 catégories avec des foils et 5 Ultim qui « volent »

Comme pour l’aéronautique, les recherches en matière des foils évoluent à grands pas. Pour cette édition de la Route du Rhum 2022 – Destination Guadeloupe, la moitié des catégories possède des bateaux à foils :
  • Imoca (Apivia, Charal, etc.) ;
  • Ocean Fifty (Arkema, Koesio, etc.) ;
  • Ultim 32/23.
Les bateaux de la classe Ultim étaient au nombre de 8 au départ de cette 12e édition de la course Route du Rhum — Destination Guadeloupe :
  • Ultim Maxi Edmond de Rotschild - skipper : Charles Caudrelier ;
  • Ultim Svr-Lazartigues - skipper : François Gabart ;
  • Ultim Sodebo Ultim 3 - skipper : Thomas Coville ;
  • Ultim Actual Ultim 3 - skipper : Yves le Blevec ;
  • Ultim Idec Sport - skipper : Francis Joyon ;
  • Ultim Mieux - skipper : Arthur le Vaillant ;
  • Ultim Maxi Banque populaire XI - skipper : Armel le Cléac'h ;
  • Ultim Use it Again! By Extia – Skipper : Romain Pilliard.
Seuls 5 de ces Ultim sont réellement « volant », à savoir : Actual, Banque populaire, Maxi Edmond de Rotschild, Sodebo Ultim 3 et Svr-Lazartigues.

La classe Ultim à foils en quelques chiffres

Les recherches et progrès permettent d’améliorer sans cesse les conditions d’utilisation des foils sur les bateaux de course de type Ultim.
  1. Deux foils, au minimum, sont complétés par des plans porteurs au niveau des safrans et des dérives afin d’assurer 4 points de stabilité.
  2. La présence d’une « aile de raie » (plan porteur de type foil également) sous la coque centrale permet d’accroître la stabilité.
  3. Les volumes des flotteurs sont augmentés afin d’accroître l’appui avant l’envol du bateau. Ainsi, à partir de 14 nœuds de vent, le bateau commence à « voler » à partir d’une vitesse de 22 nœuds pour les plus performants.
Bien évidemment, l’état de la mer reste une variable non négligeable pour la bonne utilisation des foils. En effet, une mer formée contraint la prise de vitesse et les hautes vagues deviennent un obstacle pour un voilier lancé à grande vitesse. On estime que, jusqu’à 3 m de vagues, un bateau de classe Ultim peut tirer profit de ses foils.