La Route du Rhum, c’est une course nautique au large en solitaire qui part de France, à Saint-Malo, et à destination de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Créée en 1978 et organisée par Michel Etevenon, elle n’imposait pas de limite de taille pour les bateaux engagés (contrairement aux nouvelles règles de la Transat anglaise de 1976). Quadriennale, elle a su s’adapter aux nouvelles exigences et aux besoins de diversité exprimés par le monde de la course à la voile. Différentes catégories peuvent donc s’exprimer au sein de cette course qui se veut également ouverte aux skippers amateurs. Son règlement (qui se veut inclusif) prône une ouverture qui n’est pas toujours la règle dans d’autres grandes courses au large. La Route du Rhum, qui fête ses 44 ans cette année lors de cette 12e édition, ne voit pas moins de 138 skippers sur sa ligne de départ, un record ! Mais un tel chiffre n’est rien en soi, c’est son évolution qu’il faut savoir estimer. En effet, lors de la première édition de la Route du Rhum en 1978, ils n’étaient que 38 bateaux sur la ligne de départ. La comparaison de ces deux chiffres met en lumière l’attrait croissant de cette
mythique course qu’est la Route du Rhum. Quels autres faits marquants sont à retenir pour saisir les clés de compréhension d’un
tel succès ?
Retour en arrière pour mieux comprendre l’histoire de ce sport
La Route du Rhum, c’est une course, certes. Mais c’est aussi devenu un événement populaire. L’intérêt porté aux bateaux et aux skippers transcende les simples « voileux » pour atteindre le grand public (environ 2 millions de visiteurs au
village de la Route du Rhum de Saint-Malo). La France est résolument tournée vers son littoral et les grandes courses passionnent les foules (Vendée Globe, Transat Jacques Vabre, Route du Rhum, etc.). Parfois, autour d’un bateau, d’un skipper, d’un record, d’une invention ou d’une histoire naît une légende et l’engouement pour ce sport repart de plus belle. Sur ses 12 éditions, il y a des faits qui ont marqué l’histoire de cette singulière course qu’est la Route du Rhum.
1978 : la première édition
La voile est alors en plein essor et sa proche démocratisation à venir s’annonce au travers de grands noms (Éric Tabarly, Mike Birch, Alain Colas, etc.). Cette première édition passionne le public avec un duel haletant entre Michel Malinovsky et Mike Birch, qui verra ce dernier arriver en tête avec seulement 98 secondes d’avance après 23 jours de navigation ! La disparition d’Alain Colas ainsi que de son bateau, le Trimaran Manureva, reste le funeste événement qui marquera cette première édition.
1982 / 1986 : deux éditions contrastées
L’engouement se confirme pour la deuxième édition en 1982 avec 50 inscrits et désormais un PC course est établi à la tour Montparnasse à Paris pour mieux relayer l’événement qui prend de l’ampleur médiatique. Mais ce ne sont pas moins de 19 abandons qui sont à déplorer (dont Éric Tabarly) à cause d’une météo difficile. En 1986, la disparition de Loïc Caradec ainsi que la diminution du nombre d’inscrits (31) démontre une remise en perspective des risques et difficultés de cette Route du Rhum exigeante.
1990 : La victoire d’une femme
Première édition de la Route du Rhum remportée par une femme, Florence Arthaud, en 14 jours et 10 heures. L’arrivée du GPS à bord des bateaux permet un meilleur routage météo et les temps s’améliorent.
1994 et 1998 : les monocoques reprennent du terrain
Les monocoques reviennent sur le devant de la scène avec Yves Parlier en 1994 qui termine 3e au podium devant d’autres multicoques. 1998 est marquée par une jeune première de 22 ans seulement qui termine 1re de sa catégorie : Ellen MacArthur.
Édition 2002 sous le signe de la tempête
Une course difficile qui contraint 30 bateaux à abandonner sur les 58 inscrits. Parmi la classe Orma, par exemple, seuls 3 sur 18 finiront cette course éprouvante.
Un nouveau duel tient le public en haleine en 2006
Dans la classe Imoca, Rolland Jourdain devance Jean le Cam sur la ligne d’arrivée avec seulement 28 minutes d’avance. Le public est passionné par ces duels sur le « fil du rasoir ». Preuve en est, en 2006, le village de la Route du Rhum à Saint-Malo enregistre 1,2 million de visiteurs sur 10 jours.
2010 et 2014, une course de plus en plus populaire
Dépassant les 2 millions de visiteurs sur le village de la Route du Rhum à Saint-Malo, cette course attire de plus en plus le public de tous horizons. Les records sont battus (7 jours et 15 heures en 2014 pour Loïc Peyron).
Le duel des géants en 2018 : un trimaran peut en cacher un autre
Francis Joyon, vainqueur à bord de son Ultim « Idec sport » devance François Gabart (« Macif » classe Ultim également) de 428 secondes seulement. Les performances s’affrontent de nouveau dans un mouchoir de poche et à des vitesses vertigineuses depuis le départ de France jusqu’à l’arrivée en Guadeloupe (moyenne proche de 20 nœuds).
Les faits marquants de la Route du Rhum se lisent aussi sur la durée comme toute course à la voile
Au-delà de la lecture des 8 épisodes précédents relatant l’histoire de cette course reliant la France métropolitaine à la Guadeloupe tous les 4 ans, il est important de considérer deux faits marquants supplémentaires qui s’inscrivent non pas sur une ou deux seules étapes, mais sur la totalité des 44 années écoulées entre le premier départ en 1978 et celui qui a eu lieu le 9 novembre 2022.
Les progrès techniques à bord des bateaux
Avec le recul, il est frappant de constater les différences entre un bateau au départ en 1978 et un bateau au départ en 2022 :
- arrivée du GPS à bord en 1990 ;
- nouveaux matériaux tels que le carbone en 1990 ou le lin en 2022 ;
- construction de géants (classe Ultim 32/23) aux performances inouïes ;
- amélioration des foils depuis leur apparition en 1986 et création de véritables bateaux volants ;
La Route du Rhum est comme un laboratoire depuis 1978 pour qui souhaite améliorer les performances de son bateau, quelle que soit la classe à laquelle il appartient (multicoques trimaran ou catamaran ou encore monocoques Imoca ou Class 40). La grande ouverture du règlement permet bien des progrès. L’invention, l’adaptation puis l’amélioration des foils à bord des bateaux en sont un flagrant exemple. Désormais, les plus rapides (trimaran Ultim) volent littéralement au-dessus de la mer et atteignent des vitesses proches des 100 km/h.
L'engouement croissant du public pour les sports de voile
Au fur et à mesure des années et des éditions, la Route du Rhum a attiré de plus en plus de monde jusqu’à dépasser les 2 millions de visiteurs lors de l’édition 2010 (Route du Rhum – la Banque Postale). C’est un fait marquant qui en dit long sur :
- l’attrait des sports de glisse et de voile de la part des Français ;
- l’attractivité qu’exerce le monde de la course au large même chez les non-initiés ;
- les budgets qui peuvent être alloués à de telles courses ainsi qu’à leurs retombées médiatiques de la part des sponsors professionnels.
En quelque sorte, la «
magie du Rhum » opère au fur et à mesure des éditions et crée une émulation autour de ce sport. En 2022, 138 skippers sont inscrits au départ et plus de 2 millions de visiteurs sont attendus au village de la Route du Rhum à Saint-Malo. À n’en pas douter, cette Route du Rhum a encore un bel avenir.